Ruy Guerra est un jeune brésilien barbu de trente-cinq ans, ancien élève de l’I.D.H.E.C . (Institut des hautes études cinématographiques), dont le premier film “La Plage du désir” realisé en 1962 sur le thème des “fausses valeurs de la bourgeoisie brésilienne” eut des ennuis avec la censure avant de connaître le premier succés public du “cinema nuevo” Les Fusils, son deuxième film réalise en 1964 vient d’inaugurer une salle à vocation d’ “art et d’essai”, le Hoche, à Bagnolet dans la banlieue parisienne. Il est à l’affiche de la Pagode et du Studio de l’Étoile à compter de ce mercredi.
“Les Fusils, nous dit Ruy Guerra, c’est une histoire de paysans écrasés par une structure économique féodale et par héritage de fanatisme religieux. C’est un film sur la pauvreté, la sécheresse, la famine, la superstition, l’amour presque sauvage et la mort, et qui, abordant le problème de la faim dans la région du Nord-Est, analyse le comportament des individus, leur apathie et leur explosion de violance.
Tout est statique et puis éclate: comme la terre desséchée qui, du jour au lendemain, par suite d’une bonne rosée, apparaît brusquement refleurie. Face à la faim, les villageois restent apatiques, ne suivent pas l’isolé qui se revolte. Mais lorsque enfin ils se révoltent leur geste a une tout autre signification: em mettant à mort le boeuf sacré, le saint, ils tuent tout um héritage culturel, ins n’acceptent plus le miracle.
Le film est construit sur un schéme westernien: un personage avec son passé, une rencontre et un duel final (en fait ici, une tuerie sauvage). Par contre, il y a une absence de barrière entre le bien el le mal. Pour moi, il s’agissait d’utiliser le matériel cinématografique comme moyen d’investigation d’une réalité sociale, politique et économique.
Dans um premier temps, il y a une accumulation de faits. Il n’y a pas un enchaînement linéaire sequence mais une analyse de la réalité à partir d’individus qui ne sont pas monolithiques et qui sont replacés dans contexte regional. Ce n’est que progressivement que le sens des séqueces déborde les unes sur les autres. Quand tous les faits sont rassemblés, mais alors seulement, l’aspect dramatique joue.
L’histoire est-elle véridique?
C’est un episode qui s’est réellement déroulé dans le Nord-Est en 1954.
J’ai choisi un village de cette région du Brésil, je l’ai étudié pendant un mois et demi, j’ai vécu avec les individus confrontés au problème de la faim. Puis j’ai fait venir une équipe technique et des acteurs chargés notamment d’interpréter les soldats cantonnés dans ces régions à rôle policier. Mais la vieille femme aveugle raconte sa propre histoire, le charlatan n’est pas joué par une comédien, les villageois adoptent les attitudes qu’ils veulent bien prendre.
Le film a été tourné em quatre mois et demi; il m’en a fallu autant pour le monter.
Que devient aujourd’hui le “cinema nuevo”?
Cinéma d’échantillonnage de la réalité brésilienne. Le “cinema nuevo” a connu as pleine expansion en 1964: huit films sur vingt-cinq de la production nationale. La forme variait mais qu’elle fût brechtienne, intimiste, néo-réaliste ou cinema-vérite, jamais l’homme n’était isole de son contexte, d’une réalité régionale ou nationale. Les circonstances politiques ont freiné considérablement le mouvement: deux films appartenant au “cinema nuevo” sortent annuellement aujourd’hui. Mais une deuxième generation déjá responsable de courts métrages est prête elle aussi à se lancer dans le mouvement.
Reste-vous longtemps em France?
Je prépare pour l’émission “Présence du passé” trois films d’une heure vingt sur l’histoire de l’esclavage. Après, em juin, je retournerai au Brésil”.